Après la défaite contre la Prusse en décembre 1870, l’émergence d’une symphonie « à la française » s’impose à des musiciens tels que Camille Saint-Saëns ou Vincent D’Indy par le biais d’une Société Nationale de Musique. Quarante ans plus tard, la vitalité retrouvée des pièces orchestrales témoigne du pari réussi des aventureux compositeurs et de la solidarité restaurée entre les musiciens : Saint-Saëns et D’Indy, Chausson et Chabrier, Debussy et Satie constituent autant de fronts communs pour l’orchestre français.
Charlotte Ginot-Slacik, musicologue
Le concert Made in France proposé à l’Opéra Berlioz devant une salle comble, le vendredi 13 juillet, a mis à l’honneur les compositeurs français. C’est une cheffe d’orchestre, Marzena Diakun, qui a dirigé l’Orchestre national de Montpellier, en dialogue avec les pianistes David Kadouch et Guillaume Bellom. En 1871, après la défaite de Sedan, la Société Nationale de Musique est créée pour promouvoir la musique de chambre et la musique orchestrale française. Cette société a joué un rôle prépondérant dans le soutien à la création d’œuvres de Chabrier, Debussy, Ravel…. L’un des fondateurs est Camille Saint-Saëns (1835-1921), un des plus illustres musiciens de son époque. Alors que les Allemands dominaient le monde de la musique, il fit reconnaître par son talent le concerto français. Dans la lignée de la Société Nationale de Musique, le concert Made in France a présenté une palette de compositions françaises de noms désormais célèbres.
Un concert-hommage à la musique symphonique française
Écouter les Gymnopédies d’Erik Satie (1866-1925) est un moment de rêverie. La composition est d’une étonnante modernité, entre douceur et équilibre. L’orchestration de ces valses mélodiques est signée Claude Debussy (1862-1918) dont on fête le Centenaire de la disparition cette année. Le programme du concert Made in France s’est terminé en apothéose avec La Valse de Maurice Ravel (1875-1937). Ce poème chorégraphique confronte beauté et violence, il a été composé après la Première Guerre mondiale. Au départ, Ravel souhaitait rendre hommage à Strauss qu’il admirait, mais l’ancien monde a été englouti par les horreurs de la guerre et La Valse dégénère dans un « tourbillon fantasque et fatal ». Les musiciens de l’Orchestre national de Montpellier ont également interprété Soir de fête d’Ernest Chausson (1855-1899) – Chausson comme ses contemporains a été influencé par César Franck et surtout Richard Wagner – et deux compositions d’Emmanuel Chabrier (1841-1894) qui a été un défenseur de Wagner. Saint-Saëns a par contre lutté contre la prédominance de la musique allemande. Son rôle pour l’essor de la musique française a été important, il était considéré comme l’un des plus grands musiciens de son temps. Dans ses œuvres, il ne s’est pas intéressé seulement à l’opéra ou à la tragédie lyrique, il a aussi valorisé la symphonie.
Deux pianistes de talent et une cheffe d’orchestre enthousiaste
Les deux concertos de Saint-Saëns et Francis Poulenc (1899-1963), avec les pianistes David Kadouch et Guillaume Bellom, ont conquis le public. Ils sont considérés comme les étoiles montantes du piano et ont su jouer en harmonie avec l’orchestre. David Kadouch a montré son talent pour la composition de Saint-Saëns dont la musique est très exigeante. Le Deuxième concerto pour piano et orchestre invite à la découverte de mélodies dans un registre d’émotions. Saint-Saëns était un grand organiste, il sait mettre à l’honneur le piano, David Kadouch par son jeu a occupé brillamment le devant de la scène de l’Opéra Berlioz. Avec Guillaume Bellom, les deux pianistes ont restitué la richesse des sons de Poulenc. Tous deux ont fini par un bis à quatre mains sur un même piano. Marzena Diakun, la cheffe d’orchestre, était dynamique et chaleureuse. Après chaque composition, elle félicitait les musiciens. Dans un entretien à France Musique, elle a présenté son rôle de cheffe d’orchestre : « L’unique responsabilité que nous avons est de prendre soin des âmes, de leur développement. Par la plus raffinée des musiques, nous avons le rôle de faire pleurer, rendre heureux, d’exalter les gens. »
Le concert Made in France a été couronné de succès, c’était une belle soirée symphonique du Festival Radio France. L’ensemble des musiciens, notamment les pianistes David Kadouch et Guillaume Bellom, ont été virtuoses. Ils ont interprété des compositions difficiles qui représentent une palette riche et variée de la musique française des XIXe et XXe siècles. Poulenc par exemple convie à une juxtaposition de morceaux pour un même titre, il passe ainsi du tragique au rire par un jeu de dissonances. Le public est venu très nombreux, ce qui aurait fait plaisir à Saint-Saëns qui s’était engagé pour encourager les talents français. Dès la création de la Société Nationale de Musique, il s’enthousiasme pour le programme du premier concert : « Le comité eut l’idée de donner une séance extraordinaire. (…) L’effet de cette séance fut prodigieux. L’illustre auditoire ne cherchait pas à cacher sa surprise. On pouvait donc faire un programme intéressant avec des compositions nouvelles, signées de noms français ! » Pari également réussi pour le concert Made in France !
Fatma Alilate
« Made in France »
Opéra Berlioz – Le Corum, Montpellier
ERIK SATIE 1866-1928 / CLAUDE DEBUSSY 1862-1918
Gymnopédies n°1 et 3
Version pour orchestre
CAMILLE SAINT-SAËNS 1835-1921
Concerto pour piano et orchestre n°2 en sol mineur op. 22*
Andante sostenuto
Allegro scherzando
Presto
ERNEST CHAUSSON 1855-1899
Soir de fête, poème symphonique op. 32
EMMANUEL CHABRIER 1841-1894
Joyeuse marche
Bourrée fantasque – Version Charles Koechlin
FRANCIS POULENC 1899-1963
Concerto pour 2 pianos et orchestre FP 61 * **
Allegro ma non troppo
Larghetto
Allegro molto
MAURICE RAVEL 1875-1937
La Valse, poème chorégraphique
Orchestre national Montpellier Occitanie
Marzena Diakun direction
David Kadouch piano*
Guillaume Bellom piano**
Vendredi 13 juillet 2018
Programme Festival Radio France Occitanie Montpellier : www.lefestival.eu
Information, réservation : +33 (0)4 67 02 02 01