J’aime Nino Rota, il n’a jamais été joué en France. Les acteurs-chanteurs de ces deux opéras font un travail magnifique. Il y a des liens. On retrouve une distribution franco-italienne, un style commun pour la verve et l’ironie. J’avais décidé d’associer ces deux opéras en demandant d’imaginer un univers commun. La chambre à coucher est l’unité de lieu.
Valérie Chevalier, directrice de l’Opéra Orchestre national de Montpellier
Pour sa dernière grande production de la saison, l’Opéra Comédie propose jusqu’au jeudi 15 juin deux œuvres couplées : La Nuit d’un neurasthénique de Nino Rota (1911-1979), célèbre compositeur de films qui ont marqué l’histoire du cinéma, et Gianni Schicchi, un opéra bouffe de Giacomo Puccini (1858-1924). Marie-Ève Signeyrole, à la mise en scène, emmène le spectateur dans des univers qui se succèdent, comme s’il s’agissait d’une même œuvre lyrique. Le personnage insomniaque de Nino Rota évolue dans une atmosphère un peu plus « dramatique » avec des effets de résonance, car l’insomnie est un des maux de notre société. Dans le second volet, la chambre à coucher est transposée dans un champ. On rit des ridicules de cette famille prête à tout pour récupérer un héritage.
Deux opéras pour… rire !
Dans La Nuit, le personnage cherche en vain le sommeil, il a loué deux chambres contigües à la sienne pour être dans le silence, mais le concierge les a sous-louées et l’une d’elles est occupée par un couple d’amoureux… Nous assistons à une bataille entre l’insomniaque et le bruit provoqué par ses voisins. L’orchestre amplifie certaines sonorités. Quand l’insomniaque finit par s’endormir, il est réveillé au petit matin par une sonnerie infernale ; désespéré, il soupire : « Ils ont tué la nuit. » Dans le second opéra de Puccini, le « mort », Gianni Schicchi, dicte son testament d’un lit, après différentes péripéties. Au début de la pièce, nous sommes à Florence, le riche Buoso Donati a légué tous ses biens aux moines. Les héritiers cherchent avec frénésie le testament ; lorsqu’ils le lisent, ils sont catastrophés : « J’aurais jamais cru qu’on pleurerait pour de vrai ! » Ils ont finalement recours à Gianni Schicchi, qui les dupe et s’attribue l’essentiel de l’héritage. Cette satire sociale est inspirée de La Divine Comédie de Dante. Pour les deux œuvres, la musique produit des effets burlesques avec un rythme décalé par rapport aux différentes situations. La mise en scène de Marie-Ève Signeyrole est en harmonie avec l’interprétation des chanteurs, et par son imaginaire, elle relie avec finesse les deux opéras. Ainsi, nous retrouvons des personnages. Le portier de La Nuit devient Gianni Schicchi, et le couple d’amoureux réapparaît aussi.
Une mise en scène malicieuse
La dimension de l’image est très présente par les écrans, les projections, la mise en espace et l’éclairage. Le premier volet du diptyque s’inspire de l’atmosphère des films de Hitchcock, le spectateur suit le neurasthénique dans son cérémonial du coucher, notamment par un œil-écran qui le rend complice de la situation : « L’idée est de trouver une habile combinaison entre tension et humour, face à la figure de l’innocent persécuté qui devient à son tour le persécuteur », explique Marie-Ève Signeyrole. Le plateau nous fait entrer dans l’intimité de l’œuvre avec les trois chambres d’hôtel en longueur, du plafond peut descendre un lavabo. Pour Gianni Schicchi, la scénographe a choisi une terre agricole qui fait office de chambre : « J’aimais l’idée que les citadins endeuillés viennent se salir les mains et creuser la terre non pas pour la travailler et en récolter les semences comme un noble héritier l’aurait fait, mais pour y chercher l’argent dissimulé et enfoui par un paysan avare et de surcroit abusé par un autre plus vénal et malin que lui. » La gestuelle des chanteurs est délibérément appuyée, on ressent aussi à quel point ils ont pris plaisir à jouer. Ils sont particulièrement talentueux et mêlent le chant à un jeu de comédien, dans une dynamique étonnante. Gianni Schicchi rappelle les comédies musicales des années 1950 par les tenues et les interprétations, comme s’il pouvait s’agir d’une pièce dont la musique aurait pu être composée par Nino Rota.
Cette production de l’Opéra Comédie est une réussite avec des jeux de scène remarquables. La scénographie est le fil conducteur de ces deux œuvres dans lesquelles la musique, le chant et le théâtre sont intimement liés. L’humour débordant répond en harmonie aux compositions musicales. Marie-Ève Signeyrole et son équipe ont réinventé un spectacle dans la modernité, sans tomber dans le grotesque. La scénographe avait également signé la mise en scène très réussie du Monstre du Labyrinthe. On a plaisir à voir et à entendre ces deux opéras, et les acteurs-chanteurs sont épatants, ils ont été très applaudis.
Fatma Alilate
La Nuit d’un neurasthénique de Nino Rota et Gianni Schicchi de Giacomo Puccini
Opéra Comédie
11 Boulevard Victor Hugo – Montpellier
Francesco Lanzillotta, direction musicale
Marie-Ève Signeyrole, mise en scène
Fabien Teigné, décors
Yashi, costumes
Philippe Berthomé, lumières
La Nuit d’un neurasthénique, Radio opéra en un acte de Nino Rota
Bruno Praticò Il nevrastenico
Bruno Taddia Ilportiere
Kévin Amiel Ilcommendatore
Giuliana Gianfaldoni Lei
Davide Giusti, Lui
Charles Alves da Cruz Il cameriere
Noëlle Gény, chef de chœur
Vincent Recolin, chef de chœur Opéra Junior
Chœur de l’Opéra national Montpellier Occitanie
Chœur Opéra Junior -Classe Opéra
Orchestre national Montpellier Occitanie
Gianni Schicchi, Opéra en un acte de Giacomo Puccini
Bruno Taddia Gianni Schicchi
Giuliana Gianfaldoni Lauretta
Romina Tomasoni Zita,
Davide Giusti Rinuccio
Kévin Amiel Gherardo
Perrine Madoeuf Nella
Bruno Praticò Betto di signa
Julien Véronèse Simone
Aimery Lefèvre Marco
Julie Pasturaud La Ciesca
Dernière représentation : Jeudi 15 juin à 20 heures
Tarifs :19 € à 65 €
Durée : 2h30 avec un entracte
Réservation – Billetterie Opéra Comédie:+ 33 (0)4 67 60 19 99
www.opera-orchestre-montpellier.fr
Articles complémentaires :
Montpellier : Philippe Berthomé éclaire l’Opéra Comédie
Montpellier : Le Monstre du Labyrinthe à l’Opéra Berlioz – Le Corum
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