En 1989, dans Do the right thing, Spike Lee demandait à ses personnages, trempés dans la rue de Brooklyn, de choisir « la chose juste ». Aujourd’hui en Europe, il y a dans le graffiti autant de vérités que de pratiquants. Cette exposition propose un panorama de ces vérités, de ces possibles, que ce soit par les techniques ou les supports employés qui vont de la sculpture au dessin, que par les formes, lettrages, ambiances ou univers.
Louis Chalandon – Runthings Gallery / Montpellier
Jusqu’au 26 septembre 2016, le Château d’Assas, écrin du XVIIIe siècle, présente une exposition collective sur l’art urbain contemporain. Louis Chalandon, galeriste à Montpellier, est le commissaire de l’exposition, il est lui-même graffeur depuis vingt ans et il conserve un regard ouvert sur les différentes approches de ce mouvement. Il n’a pas choisi uniquement des artistes de sa galerie car il a d’abord souhaité montrer l’ensemble des activités du graffitti : technique du pochoir, sculptures, peintures, apports de la réalité augmentée…
Un écrin du XVIIIe siècle pour une exposition sur l’art urbain
Les quatre salles d’exposition du Château d’Assas du Vigan sont baignées de lumière, les grandes fenêtres élargissent l’exposition sur la vallée du Vigan, côté jardin, et la cour d’honneur. Le Montpelliérain PSKTEAR1 est enthousiaste : « Tout est en mode gigantesque. Ici, on a une autre vision, avec ce genre d’espaces, on respire plus. La lumière est belle, cette dimension j’adore et l’équipe est au top ! » Au premier étage du château, le Pôle culturel ouvert depuis 2009 propose des expositions dans un site majestueux semblable à nos folies montpelliéraines. Ce sont dans les pièces d’apparat que sont exposées toiles et sculptures signées PSKTEAR, SALAMECH, Tieri Trademark, KOPSKY, OSE, VOIRE, OKUS, ZEKLO et même SIRCK qui correspond au « blaze » du galeriste Louis Chalandon. Installé à Montpellier depuis plusieurs années, le commissaire de l’exposition est originaire du Vigan et il est d’autant plus touché par cette exposition qu’elle se déroule dans un lieu mêlé à des souvenirs d’enfance car le Château d’Assas a accueilli la cantine scolaire où les enfants avaient leurs habitudes. Classé au titre des Monuments historiques, l’édifice a été acheté par la Ville du Vigan en 1996 et restauré par le Département du Gard à partir de 2003. La façade dresse trois niveaux sur la cour d’honneur et quatre côté jardin. On est impressionné par le nombre de fenêtres, plus de cent ! L’escalier de parade permet d’accéder aux anciens appartements devenus Médiathèque. En 2003-2005, des panneaux du XVIIIe siècle ont été découverts pendant des travaux de rénovation, ils sont désormais accessibles à la vue de tous. C’est à l’étage noble que sont exposées les œuvres des artistes majoritairement installés à Montpellier. Nous découvrons les toiles de PSKTEAR où se rejoignent art abstrait et numérique pour un hommage à la nature. Il y a aussi SALAMECH, autre artiste montpelliérain bien connu ; il est le théoricien de cette génération de graffeurs de la région qui a flirté avec l’illégalité dès l’adolescence.
Des artistes complémentaires
Dès l’entrée de l’exposition, on reconnait les collages de SALAMECH, l’artiste est le poète du graffiti. Il anime ses créations par des phrases, il jongle avec les mots pour donner du sens. Dans deux salles du château, deux grandes photographies de la Place de la Comédie montrent un panneau publicitaire dans lequel la publicité a été remplacée par des œuvres présentes dans l’exposition. SALAMECH continue à détourner la publicité, depuis le début des années 2000, il a mis l’art dans la « pub » pour s’affirmer dans la ville et y prendre place. VOIRE travaille aussi avec des lettres qu’il associe à de la géométrie simplifiée, il joue avec les couleurs, les reflets. On remarque dans l’exposition Space cowboy de KOPSKY :un visage casqué aux traits marqués, propulsé dans une galaxie ; devenu également illustrateur de bande dessinée, KOPSKY est exposé aux États-Unis, en Angleterre, il est originaire de la région parisienne, après un passage à Montpellier, il vit désormais en Ardèche. Dans un tout autre domaine, ZEKLO propose des personnages expressifs colorés, la variante graphique est intéressante : rose-chair, rose-gris, demi-teintes… Deux des toiles de PSKTEAR s’imposent au-dessus des cheminées du château. L’artiste renouvelle l’art urbain avec des formes géométriques assemblées ; ses œuvres se contemplent à une certaine distance, elles scintillent et vivent. OSE s’appuie sur la technique du pochoir ; il met en valeur des portraits dont certaines caractéristiques font penser à l’animal. Sa toile Game day offre un effet pictural proche du négatif de la photographie. Pour représenter des scènes, OKUS sait attirer l’attention du visiteur : une voie ferrée désertée pourrait être une affiche de film.
Dans un lieu magique au cœur des Cévennes méridionales, des artistes venus de l’art urbain sont à découvrir. Une vidéo permet de visionner un aperçu de leurs activités murales, les créations sont souvent très différentes des toiles exposées. Laurent Puech, le conservateur du Château d’Assas, est intéressé parle regard des artistes sur la société: « En ces temps troublés, le temps est venu à davantage d’explications du monde qui nous échappe. » Dans l’exposition Do the right thing, il y a les peintures engagées de KOPSKY, les détournements de panneaux publicitaires de SALAMECH ; les œuvres peuvent nous faire réfléchir sur la jeunesse, la société de consommation.
Fatma Alilate
Texte et photos
Exposition Do the right thing
Prochainement au Château d’Assas – Le Vigan : Exposition sur l’abstraction radicale About Ellsworth Kelly (1923-2015), à partir du 3 octobre 2016.
Vidéo Do the right thing
Les artistes :
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