La pièce « Sujets » de Sylvain Huc magnifie la nudité
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La pièce « Sujets » de Sylvain Huc magnifie la nudité

Je préfère m’affairer à convoquer ce qui peut faire écriture : corps, sons, lumières, cadres, sensations. Ces « sujets » tenteront de conjurer les impossibilités de leurs corps et de leur espèce avec peu de moyens. L’écriture sera faite de fondamentaux corporels (respirer, ingérer, toucher, regarder) ou physiques (gravité, poussées, forces, propagations). L’apparente simplicité des corps nus masquera une écriture précise des rapports qui peuvent se jouer entre eux : indifférence, curiosité, désir, contagion, cannibalisme… Je souhaite plonger le spectateur dans un flux ininterrompu de perceptions fait de motifs obsessionnels. Les corps, le son et la lumière iront de concert, et avec une ascèse et un dénuement communs, construire un tissu perceptif et émotionnel plus qu’intellectuel.

Sylvain Huc

Sylvain Huc (né en 1979) est étudiant en Histoire lorsqu’il éprouve un chamboulement en assistant à une pièce d’Anne Teresa De Keersmaeker. Cette rencontre va modifier sa voie, ses choix de vie. Après un temps de maturation d’une année il prend des cours de danse ; il devient danseur et chorégraphe. Au Théâtre de la Vignette, sa pièce Sujets a enthousiasmé le public. Sylvain Huc crée des tableaux par une dynamique visuelle et sonore. La danse pour le chorégraphe est un outil, il s’intéresse d’abord au corps, et à la nudité.

Des sujets-tableaux

Cinq danseurs nus sont à demi-allongés sur un plateau sombre et dépouillé. Le silence permet au public d’entrer dans la création. Des regards. Les expression des visages rappellent les premiers hommes. Quelques bruits de bouche se font entendre. Des spectateurs réagissent par de la toux. Aux premiers battements musicaux, les corps commencent à répondre, les danseurs se lèvent et font des mouvements. Les personnages bougent avec une lenteur presque hypnotique. La respiration, le souffle, de rares cris primitifs. Deux femmes et trois hommes, ils se sont de nouveau assis – rotations des regards. La musique électro reprend progressivement – déplacements des danseurs. Il y a des rapprochements, le plateau pourrait être un Paradis perdu, on s’y amuse aussi. Le rythme s’accélère accentué par un éclairage fabuleux : vision partielle des corps, reflets, assombrissement du fond de scène qui devient grotte. Au son et à la lumière, différentes phases apparaissent, de l’étourdissement au regroupement des corps. Des figures se forment avec une intelligence de la mise en scène. La chair est celle de la peinture. La bande-son développe les sensations dans une correspondance avec le clair-obscur. La peau devient bleutée. Le public est captif, l’émotion est là. Sylvain Huc donne à voir et à ressentir une succession de tableaux. Pourtant Sujets est basée sur peu d’éléments : nudité, musique et lumière ; cette simplicité fait des miracles.

Une des révélations du Festival

Quand à vingt-trois ans, Sylvain Huc rencontre la danse, il s’intéressait déjà au corps et avait conscience de ses enjeux sociaux, politiques et esthétiques. Il débute sans a priori avant de devenir interprète et puis chorégraphe. Il a conservé une certaine indépendance et continue de se nourrir artistiquement de littérature américaine, du rock indépendant et de la musique électronique. La nudité et sa représentation au plateau constituent la thématique principale de sa pièce Sujets. A partir d’un matériau simple, il montre de la délicatesse. La pièce Sujets est née d’un travail avec des étudiants d’un Laboratoire toulousain, à une période où le chorégraphe s’interrogeait sur son parcours. Sur le plateau, des personnages qui pourraient être des primates évoluent, le spectateur les observe : « Ce qui m’intéresse, c’est le mouvement des scénarios de sensations, de perceptions. Convoquer ce qui peut faire écriture : le corps, la lumière, le son. » La musique électronique est envoûtante, elle est signée Alessandro Cortini. Pour cette création, Sylvain Huc s’est notamment inspiré de la lecture d’un texte de Beckett Le Dépeupleur – des personnes sont enfermées dans un cylindre, il y a des changements d’états du corps, des interactions. Il s’est également passionné pour Nudités de Giorgio Agamben, le chorégraphe adhère au constat du philosophe car « la nudité ne révèle rien mais elle nous transperce ». Voilà qui résume bien sa pièce.

Sujets de Sylvain Huc est une performance physique et esthétique. L’éclairage est très réussi avec cette vision rythmée des corps, du clair-obscur à la lumière du plateau. La nudité prend sens. Les tableaux sont saisissants, certaines postures rappellent les grands peintres comme Lucas Cranach avec un port de tête relâché, et il y a une modernité actuelle qui s’appuie sur l’art, la photographie… Deux autres rendez-vous sont proposés avec Sylvain Huc, une Grande Leçon de Danse et Gameboy, un projet participatif présenté en Métropole sur une semaine.

Fatma Alilate

Sujets de Sylvain Huc

Théâtre la Vignette, Montpellier

Compagnie Divergences

Chorégraphie Sylvain Huc

Avec Gauthier Autant, Juliana Béjaud, David Malan, Mathilde Olivares, Constant Dourville

Assistant, lumière, régie son Fabrice Planquette

Musique Alessandro Cortini

Production : Cie Divergences / Sylvain Huc Coproduction : Festival Montpellier Danse 2018, L’Usine Centre national des arts de la rue et de l’espace public (Tournefeuille / Toulouse Métropole). Le Gymnase / CDCN Roubaix – Hauts de France.

Dimanche 24 juin 2018

Sylvain Huc

Après une formation universitaire en histoire et histoire de l’art où il achève un essai d’anthropologie politique en histoire grecque autour de « Bestialité, sauvagerie et sexualité féminine en Grèce classique », c’est de manière abrupte et inattendue que Sylvain Huc découvre la danse contemporaine. Il intègre alors la formation du CDC de Toulouse en 2003. Après un parcours d’interprète (Richard Nadal, La Zampa, Coraline Lamaison, Laura Scozzi…), il prend la direction de la compagnie Divergences en 2014. Son travail se caractérise par une approche avant tout physique et très attachée au corps plus qu’à la danse proprement dite. Sa première création, Le Petit Chaperon Rouge, pièce jeune public, jouée 250 fois, pose les bases d’un travail chorégraphique singulier qui privilégie le corps, ses états, sa consistance en interaction très forte avec le son et la lumière. Rotkäppchen, déclinaison adulte du même conte meurtrier, poursuit l’exploration de ce travail charnel entre érotisme et cruauté. Vient ensuite Kapput pièce pour quatre interprètes qui s’attache au motif de l’échec et du ratage. Enfin Boys don’t cry en 2016, trio masculin qui explore le viril, ses injonctions, ses impasses et ses fragilités. Dans le prolongement de ce travail, Sylvain Huc crée Gameboy la même année avec un groupe d’étudiants toulousains lors d’un laboratoire de recherche. Ce projet à la fois pédagogique, participatif et artistique acquiert aujourd’hui une dimension internationale en s’exportant et en intégrant des étudiants étrangers. Lex, son dernier solo verra le jour en mars 2019 pour le Festival Le Grand Bain organisé par le Gymnase CDCN – Roubaix Hauts de France.

 

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