« Evel Knievel contre Macbeth », la dernière pièce de Rodrigo García
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« Evel Knievel contre Macbeth », la dernière pièce de Rodrigo García

 

Que le théâtre frémisse des transports d’une joie dissolue et des émotions qu’excitent les plaisirs les plus honteux et les plus cruels. Qu’il soit déclaré ennemi public celui qui osera blâmer ce genre de félicité.

J’adore saint Augustin, il déchire !

Rodrigo García – Evel Knievel contre Macbeth

 

La dernière pièce de Rodrigo García, Evel Knievel contre Macbeth, est une création en avant-première montpelliéraine qui sera suivie d’une tournée internationale. Rodrigo García a toujours été ouvertement en rupture avec le théâtre traditionnel, il s’inscrirait plutôt dans la lignée du théâtre épique défini par Bertolt Brecht par lequel le spectateur est invité à porter un regard critique sur un spectacle pour se questionner sur la société. Evel Knievel contre Macbeth propose une écriture poétique, dense. Rodrigo García s’est inspiré de souvenirs d’enfance et de la culture, des arts plastiques à la musique. Il développe une approche moderne de la création théâtrale avec des images de synthèse, des films… Sur la scène de hTh, trois personnages principaux évoluent : deux femmes interprètent des héros masculins, le motard-cascadeur Evel Knievel et Macbeth – Orson Welles, elles sont entourées d’un enfant musicien. La pièce marque une nouvelle étape dans l’évolution du travail de Rodrigo García, qui reconnaît s’auto-censurer davantage. De cette pièce, un portrait en creux du dramaturge semble se dessiner.

Une pièce épique proche d’un autoportrait

Evel Knievel contre Macbeth  aborde différents thèmes à foison, l’humour fou et décalé de Rodrigo García fait rire le public notamment pendant la première partie. A partir de nombreuses références culturelles – cinéma, philosophie, art abstrait, minimalisme musical – la pièce traite de sujets comme la notoriété, la « réussite », la domination sociale, la routine, l’enfance… De cette fiction rocambolesque, un portrait de Rodrigo García apparaît. Cet artiste est d’une grande richesse culturelle, tout l’intéresse ! Pour sa dernière pièce, il a choisi des personnalités idéalistes qui ont connu une ascension : le motard-cascadeur Evel Knievel (1938-2007), et d’une certaine façon Orson Welles (1915-1985). Le personnage de Macbeth l’a toujours fasciné et l’interpelle encore, il ne se lasse pas de revoir la version cinématographique d’Orson Welles (1948) – le spectateur assiste à la scène du banquet revisité. Rodrigo García croise les personnages qui n’ont pas de lien : « Evel est un vendeur de motos et il va décider de mettre sa vie en jeu pour devenir un héros de l’Amérique des années 1970. Macbeth passe du statut de guerrier à celui de roi. Il échange son épée tachée de sang pour une épée symbolique de la royauté. Par ce compromis, il perd son identité. » Pour créer, le dramaturge recherche des éléments déclencheurs à son imaginaire. La fiction est née de cette opposition – rencontre improbable entre un héros absurde du consumérisme et la figure de Macbeth. Plus jeune, Rodrigo García regardait à la télévision les exploits d’Evel Knievel, mais il a suivi un chemin qui lui a fait découvrir l’art, les grands noms du cinéma et du théâtre. Pour ses créations, il semble pourtant inspiré par ses origines populaires et il se nourrit aussi du décloisonnement des disciplines artistiques. Très indépendant, le dramaturge refuse l’enfermement dans un style, et il continue d’évoluer.

Un nouveau Rodrigo García ?

Des lettres stroboscopiques, hypnotiques, dévoilent des bribes de phrases, la cadence rappelle le rythme électro. Les mots apparaissent, disparaissent : « J’ai volontairement perdu la passion quand je me suis forcé à ne plus être invité à la fête de la vie. (…) La tristesse ne me lâche jamais la main. » Evel Knievel contre Macbeth est une critique sociale qui a un côté délibérément naïf. De nombreux éléments sont associés à l’enfance surtout au niveau visuel. Pour cette épopée, Rodrigo García a convié des mythes personnels et il emmène dans différentes directions. Cette pièce constitue une nouvelle étape dans le parcours du dramaturge : « Avant, je laissais les textes parlaient par eux-mêmes, maintenant je les intègre dans une histoire narrative. » Pour son travail d’écriture, le dramaturge procède d’abord par un retour sur son histoire : « Le texte est le résultat de toute une vie. » La première phase de création est constituée d’une prise de notes constante sur plusieurs mois : « Je relis mes bouts de textes écrits depuis des mois, car j’ai toujours peur de ne pas finir une œuvre. J’ai une idée de l’espace scénique et des gens avec qui je vais travailler. De ce retour sur les textes, je peux reprendre deux phrases seulement plutôt que quatre pages rédigées. Concrètement dans le processus, je commence à travailler avec les comédiens, sans le texte. J’essaie de voir où je peux placer mon texte. Ainsi le texte publié est le double de ce qui est vu dans le spectacle. »  Rodrigo García constate qu’il s’impose des limites de plus en plus étroites : « Avant j’étais moins critique, il me reste peu de choses que je peux montrer au public. J’étais très explicite, j’essaie désormais d’être plus poétique, plus abstrait, moins direct. » Il considère qu’il passe par une voie plus difficile, celle de la fiction.

Evel Knievel contre Macbeth est une épopée avec des personnages étranges. Cette pièce pourrait être un divertissement avec des touches poétiques, mais elle dénonce aussi les travers de notre société égocentrique dont le lyrisme peut se réduire à un selfie. On y retrouve nos ridicules, le consumérisme bêtifiant, la nourriture industrielle, la course à la notoriété, le temps qui avale les gens, le sexe zapping… Rodrigo García nous invite à la découverte de son Panthéon intime avec deux personnages principaux, sans lien. Il y a des moments en suspens avec des paysages oniriques. L’enfant-comédien joue au xylophone un thème librement inspiré du minimalisme musical. Il s’amuse avec les comédiennes embarquées dans des luttes. Par le choix d’Evel Knievel, ce personnage kitsch dont les exploits et les chutes de cascadeur étaient filmés, Rodrigo García montre un attachement à ses origines populaires. Il est d’ailleurs resté très simple et accessible, très apprécié par le public de hTh-Grammont dont il est directeur jusqu’à la fin de l’année 2017. Sa dernière création, Evel Knievel contre Macbeth, y est à l’affiche jusqu’au jeudi 23 novembre.

Fatma Alilate

Evel Knievel contre Macbeth – Na terra do finado humberto

hTh humainTROP humain – Domaine de Grammont

Avenue Albert Einstein – Montpellier

Rodrigo García, Texte, espace scénique et mise en scène

Avec : Núria Lloansi, Inge Van Bruystegem, et un enfant

Pierre-Alexandre Dupont, Assistant à la mise en scène

Sylvie Mélis, Scénographie lumières

Marie Delphin, Costumes

Eva Papamargariti, Artiste visuelle

Daniel Romero, Création multimédia

Production humainTrop humain – CDN de Montpellier

Coproduction Teatros del Canal (Madrid), Bonlieu Scène nationale (Annecy), Teatro Nacional Cervantes (Buenos Aires)

Création le15 novembre 2017 à hTh – CDN de Montpellier

En français, espagnol et anglais, surtitré

Dernières représentations : mardi 21 novembre, mercredi 22 novembre et jeudi 23 novembre à 20 heures.

Tarifs : 5 à 20 euros.

Billetterie hTh : + 33 (0)4 67 99 25 00

www.humaintrophumain.fr

Bande annonce du spectacle

 

Productions plastiques de Rodrigo García : créations vidéos, installations, objets sonores…Jusqu’au 16 décembre à hTh Grammont, accès libre pendant les horaires d’ouverture.

Rodrigo García, biographie

Rodrigo García, dramaturge, metteur en scène, scénographe, est né en 1964 à Buenos Aires. Il quitte l’Argentine en 1986 et s’installe à Madrid, où il fonde La Carnicería Teatro en 1989, compagnie avec laquelle il monte de nombreuses mises en scène expérimentales, comme Aceraderecha en 1989, Los tres cerditos en 1993 ou El dinero en 1996. Cherchant constamment à dépasser les formes du théâtre traditionnel, il entretient un rapport à la scène plus proche des arts plastiques et de la poésie que de la dramaturgie classique. Sa démarche repose sur un décentrement du texte au profit d’une poétique globale de la scène, où le travail au plateau avec ses comédiens, les images, la lumière, la musique et le texte sont des matériaux susceptibles de se répondre, de se compléter et de porter la création. Son écriture, à la fois littéraire et scénique, observe le monde avec une acuité singulière pour révéler ses brisures, ses lieux communs et sa beauté, et transformer ainsi notre réalité. La désacralisation qu’il opère sur les éléments du plateau et sur le texte participe d’une volonté affichée de défaire le théâtre de sa solennité et de forger une poésie propre à chaque œuvre. Dès les années 2000, ses pièces qui portent une dénonciation explicite des travers de nos sociétés occidentales reçoivent rapidement une reconnaissance internationale. Parmi elles, After sun (2000), J’ai acheté une pelle à Ikea pour creuser ma tombe (2002), L’histoire de Ronald, le clown de McDonald’s (2002), Jardinage humain (2003) ou encore Agamemnon – à mon retour du supermarché, j’ai flanqué une raclée à mon fils (2004). Avec Et balancez mes cendres sur Mickey, (2006) Mort et réincarnation en cow-boy (2009) ou Daisy (2013), Rodrigo García engage une exploration plus personnelle et souvent plus abstraite du monde, dont il offre des métaphores dérangeantes et lucides. Il confronte le public à ses propres mystères, à ses peurs ou à ses fantasmes, non sans provoquer parfois la polémique, comme avec Accidens (2005) ou Golgotha picnic (2011). Chez lui, l’audace et le désir du mystère impulsent une déconstruction des codes et l’élaboration d’un langage poétique et scénique tout à fait singulier, qui naît d’une juxtaposition a priori disparate et de la recherche continue de la beauté dans chaque matière, chaque élément du plateau, qu’il soit matériel, visuel, organique ou sonore. En 2009, l’UNESCO lui remet le XIème Prix Europe pour le Théâtre. Le 1er janvier 2014, Rodrigo García est nommé directeur du Centre Dramatique National de Montpellier. Il en fait un lieu de création ouvert à la performance, la danse, la musique et les arts plastiques, doté d’un département d’arts numériques. Il quittera ses fonctions fin 2017. Après la mise en espace de Humain trop humain de Friedrich Nietzsche, et la performance Flame, il crée en novembre 2015 le spectacle 4. En mars 2016, il crée la performance filmée Hamlet Kebab d’après Shakespeare pour le théâtre de La Commune – CDN Aubervilliers. En juin de la même année, il signe la mise en scène de l’opéra L’Enlèvement au sérail de Mozart, dirigé par le chef d’orchestre Arthur Fagen au Deutsche Opera de Berlin. En 2016, il crée l’installation Pinball Bosch, Venha jogar com Deus e com o demónio (Bosch flipper / Viens jouer avec Dieu et avec le démon), l’œuvre sera présentée lors de BOCA – Biennale d’art contemporain de Lisbonne. En 2017, dans le cadre de l’exposition Retour sur Mulholland Drive à La Panacée – Montpellier, il crée WHO – WHAT (installation / performance). Les Solitaires Intempestifs, sa maison d’édition en France, a publié depuis 2001 une vingtaine de ses textes, dont deux recueils, Cendres (1996-1999) et Cendres (2000-2009), Barullo – Un livre dodécaphonique (2015). Evel Knievel contre Macbeth – Na terra do finadohumberto et 4 viennent d’être publiés dans un même ouvrage (2017).

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