John Cassavetes à hTh Grammont pour Begin the Beguine
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John Cassavetes à hTh Grammont pour Begin the Beguine

C’est le dernier arrêt, ici. Cet iceberg. C’est nulle part, ici. C’est une ville côtière. Sableuse. Venteuse. Blanche. Sans espoir. Le terminus. Et je n’ai pas de regrets. C’est ici que je vais me poser et m’amuser pour la dernière fois. Je vais avoir le plus de femmes possible. Et je vais leur demander à toutes de faire semblant de m’aimer. Et du moment qu’elles font semblant, je n’ai rien à redire. Je me fous qu’elles geignent, qu’elles se plaignent, qu’elles se fâchent, qu’elles soient vaches, qu’elles le fassent bien, qu’elles le fassent mal. Je m’en fous. Leur boulot c’est de me permettre d’être égoïste.

John Cassavetes – Begin the Beguine

 

Les quatre comédiens entrent nus par les gradins sur la scène du hTh, de Grammont ; dans les cris de joie, la musique, excellente, est à la fête. Un écran projette les scènes filmées en direct. Begin the Beguine offre deux heures d’une pièce par laquelle le mouvement, le rythme, l’énergie et les techniques rappellent le cinéma. Elle est signée du célèbre cinéaste John Cassavetes (1929-1989). Il a écrit ce texte peu avant sa mort, pour Peter Falk et Ben Gazzara. Cette allégorie noire et flamboyante sur l’amour et la mort, et dont le titre renvoie au succès musical de Cole Porter, est restée inachevée. Plus de vingt-cinq ans après, le metteur en scène Jan Lauwers (né en 1957) fait vivre cette œuvre au théâtre, à Montpellier.

Un cinéaste de talent

Le désir de réaliser des films est une réponse à l’absence de liberté ressentie par John Cassavetes en tant qu’acteur de cinéma. En 1960, il tourne Shadows. L’amour entre un blanc et une jeune noire est approché du point de vue de la communauté noire. Interprété par des inconnus, le film se distingue par une large place laissée à l’improvisation. Avec des extérieurs réels, il désigne une nouvelle écriture cinématographique. Ce premier film devient le porte-drapeau de la nouvelle vague américaine ; la musique souligne le swing de la caméra. Faces, en 1968, constitue un de ses chefs-d’œuvre : la caméra traque les moindres mouvements du visage comme des intentions révélatrices de sentiments. Gloria (1980), polar tourné à New York, est le plus grand succès public de John Cassavetes. Gena Rowlands, son épouse, y joue une comédienne ratée, poursuivie par la mafia. La dernière œuvre Begin the Beguine a été conçue pour ses deux amis acteurs, mais elle est restée en phase préparatoire. A Montpellier, à hTh, le texte prend vie et s’inscrit dans les méthodes de travail avant-gardistes de John Cassavetes et du metteur en scène Jan Lauwers.

Begin the Beguine

L’action se passe en un seul lieu, un appartement au bout d’une route côtière. Les deux anti-héros envisagent un nouveau départ, peu probable. Gito Spaiano et Morris Wine veulent se laisser aller, ne plus se poser la question sur ce qui est autorisé. Et ils attendent. Ils ne cessent d’attendre ; ils sont au terminus. On ne sait ce que sera l’avenir de ces deux hommes vieillissants, leur passé est à peine dévoilé. Ils font venir des femmes, ce sont les mêmes comédiennes qui les incarnent. Elles sont fantaisistes, marquées ou ingénues. Gito et Morris consomment ces prostituées, comme de la marchandise. John Cassavetes se soumettait à une exigence du réel : prendre au sérieux les souhaits profonds d’un homme, qu’il soit haïssable ou beau, bon ou mauvais. Gito et Morris discutent, ils philosophent, l’un est désespéré, l’autre pas, et puis finalement l’étincelle jaillit, mais le personnage qui paraissait le plus en forme s’effondre à son tour. La pièce Begin the Beguine propose des moments de vie entre humour et tristesse, musique et ambiance avec en arrière-plan une seconde scène dont l’écran rend compte. Les visages peuvent apparaître par des jeux d’ombres et être filmés en gros plan.

Jan Lauwers est un metteur en scène reconnu. Il avait fait sensation au Festival d’Avignon avec sa pièce La Chambre d’Isabella. Ses créations sont ouvertes à la pluridisciplinarité : texte, danse, vidéo, musique… Begin the Beguine montre cette vision moderne, la pièce s’inscrit aussi dans une dimension internationale avec des comédiens parlant plusieurs langues et venus de différents pays dont l’Argentine. Le tableau final se termine par une photographie noir et blanc, sur grand écran, de John Cassavetes et des deux acteurs amis. Dans un même élan enthousiaste, après un jeu de deux heures qui relève de la performance, les quatre comédiens entourés du metteur en scène se tournent vers la photographie-écran pour un bel hommage.

A hTh –Grammont, Begin the Beguine, la pièce-événement de la saison est très applaudie, le théâtre fait salle comble, un succès mérité.

Fatma Alilate

Begin the Beguine

Texte : John Cassavetes

Mise en scène : Jan Lauwers

hTh humain TROP humain- Domaine de Grammont

Avenue Albert Einstein – Montpellier

Billetterie hTh : + 33 (0) 4 67 99 25 00

Durée : 2h05

Spectacle en espagnol, en anglais et en français, surtitré en français

Tarifs : 5 à 20 euros.

www.humaintrophumain.fr

Jusqu’au vendredi 3 février 2017 à 20 heures

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