Avec Clémence, Caubère a enthousiasmé le public du Printemps des Comédiens
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Avec Clémence, Caubère a enthousiasmé le public du Printemps des Comédiens

Il me faut bien en finir avec cet adolescent attardé, isolé, chéri et fantasmé que j’avais imaginé sous l’influence, entre autres, du Céline de Mort à crédit. Plus jamais – ça, je vous le jure – je n’écrirai de spectacle dont le héros, ou non héros comme on voudra, portera ce prénom familier, fatidique et « chargé ». Quel sera le suivant, je n’en sais rien, mais sûrement plus celui-là. Ce qui n’est pas pour moi anecdotique, je vous l’assure. En attendant, il sera bien, cette fois encore, le protagoniste principal des deux nouveaux spectacles que je suis en train d’écrire et de monter. Composés de trois séquences inédites du Roman d’un acteur que j’ai toujours rêvé de jouer, mais que leur importance et leur dimension m’avaient empêché d’introduire dans des épisodes déjà surchargés. Trois histoires, trois nouvelles de théâtre, « trois contes », en référence au titre célèbre de Flaubert, donné(e)s sur deux soirées.

Philippe Caubère

Philippe Caubère, né en 1950, est une figure du théâtre. Il a été comédien du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine ; il est connu du grand public notamment pour ses rôles au Cinéma : Molière – le personnage rêvé pour tout comédien – et le père attachant de Marcel Pagnol dans La Gloire de mon père et le très beau film Le Château de ma mère. Il est venu à plusieurs reprises au Festival du Printemps des Comédiens. La soirée du vendredi 1er juin, dans l’Amphithéâtre d’O, il a offert à un public enthousiaste deux « contes », La Baleine et Le Camp naturiste, pour Clémence ; premier opus d’Adieu Ferdinand ! Sur scène, Philippe Caubère a convié Clémence – Clémence Massart a été sa compagne et elle a également été comédienne au Théâtre du Soleil – pour un dialogue « amoureux » dans La Baleine. Ferdinand, l’alter ego, annonce son désir sexuel pour Salouha… qu’il va assumer très vite. Elle est énorme, et elle habite Barbès Rochechouart.

Une femme orientale…

Très vite, le public rit : Philippe Caubère incarne avec intelligence une succession de rôles à la minute. Il est Ferdinand, Clémence et Salouha. Le plateau en demi-cercle s’habille de différentes atmosphères et de séquences par le jeu des lumières. Les mimiques du comédien sont étonnantes, on plaint Clémence qui doit accepter son sort de femme trompée : « Vas-y si tu en as envie… » Or, sa façon d’agir avec son air renfrogné indique sa jalousie, mais il est terriblement égoïste et part rejoindre Salouha, l’amante d’un soir ou plutôt d’une nuit entière car Ferdinand n’ose la quitter – il est bien élevé ! Il est comme un enfant qui cède à un caprice et part en voyage à Alger ou Marseille dans le dix-huitième arrondissement parisien. « Pour l’Algérie, j’y vais ! », affirme même la voix de De Gaulle. Salouha ou Philippe Caubère bouge avec une gestuelle arabesque. Étonnamment, on image ces personnages qu’on a peut-être croisés. La voix d’Oum Kalsoum est merveilleuse, au Domaine d’O, nous sommes un peu en Égypte. Sur scène, on assiste à la rencontre de ces deux êtres qui au final n’ont pas grand-chose en commun. Après deux minutes de pause sous un ciel étoilé, Ferdinand nous emmène en vacances avec Clémence et un ami dans un Camp de naturistes, qui a été autrefois un camp dirigé par les Nazis.

Chez les « culs nus »

Autant la première partie était amusante, autant ce spectacle consacré au camp de nudistes est génial. Et le public aussi a été formidable avec ses éclats de rire communicatifs. On a aussi adoré entendre la musique de Chaplin et cette lecture de Proust sur le printemps. Quand Philippe Caubère lit Proust, on est emporté, il dit un texte qu’il aime pour partager sa beauté. Il y a aussi cette intimité de l’écriture qui fait écho au vécu du comédien : « L’adolescence est le seul temps où l’on ait appris quelque chose. » Cette pièce, Le Camp naturiste, permet à Philippe Caubère de revenir sur des souvenirs de vacances après sa rupture difficile avec le Théâtre du Soleil et une expérience théâtrale décevante en Belgique. Mais après un trajet pénible dans le coffre d’une voiture, représenté par des roulades sur le plateau du Domaine d’O ! Ferdinand qui confie préférer dormir en pyjama doit subir la « dictature » des règles de vie d’un Camp de naturistes. On l’accompagne avec Clémence faire les courses au milieu des fruits et légumes : Clémence a les yeux écarquillés, elle est très étonnée par la physionomie de ces Belges. Ces vacances-là sont longues pour Ferdinand : « Ma vie c’est ça, des camps ou des Belges ! » La scène finale avec le couple de voisins obsédés et vulgaires est hilarante ; l’apéritif commence sur le ton de la confidence décalée : « Le jour qu’ils m’ont enlevé le slip, j’ai découvert la vie ! »

Pendant plus de deux heures, Philippe Caubère incarne une série de personnages par sa voix, son énergie créatrice, ses mimiques et son corps qui par moment peut danser. Il puise dans l’histoire de sa vie. Cet artiste complet a un jeu dense et riche, le public l’a beaucoup applaudi, ce qui en raison de sa situation personnelle était très émouvant. Philippe Caubère est resté pour beaucoup « Molière » et il parvient à être Ferdinand, Clémence, Soulaha, le couple pervers… Sous l’apparence de la farce, il y a aussi de la finesse dans cet humour. Bravo !

Fatma Alilate

Adieu Ferdinand ! Clémence : La Baleine et Le Camp naturiste

Amphithéâtre d’O – Domaine d’O, à Montpellier

Ecrits, mis en scène et joués par Philippe Caubère, après avoir été improvisés 37 ans plus tôt devant Véronique Coquet, Clémence Massart et la caméra de Pascal Caubère.

Assistant à l’écriture : Roger Goffinet

Lumière : Claire Charliot

Son : Mathieu Faedda

Photo : Michèle Laurent

Coproduction Théâtre du Chêne Noir à Avignon

Production Véronique Coquet pour La Comédie Nouvelle

Vendredi 1er juin, 22 heures “Clémence” durée : 2h15

 

Prochaines pièces : Samedi 2 juin, 22 heures Adieu Ferdinand ! – Le Casino de Namur

Vendredi 15 et samedi 16 juin à 22 heures Le Bac 68

Tarif plein 34 € Tarif réduit 28 € Jeune 10 €

www.printempsdescomediens.com

Information, réservation billetterie : + 33 (0)4 67 63 66 66

Philippe Caubère, né le 21 septembre 1950 à Marseille, commence le théâtre en 1968, au Théâtre d’essai d’Aix-en-Provence, créé et dirigé par Éric Eychenne. Entre 1970 et 1977, il est un des piliers du Théâtre du Soleil que dirige Ariane Mnouchkine. Il y participe aux spectacles 1789, 1793 et L’Âge d’or comme acteur-improvisateur, au film Molière (1977) dont il joue le rôle-titre, et à Dom Juan qu’il joue et met en scène, avant de choisir de voler de ses propres ailes. Après un passage à l’Atelier théâtral de Louvain-la-Neuve, dirigé par Armand Delcampe, en 1978-1979, où il joue Lorenzaccio d’Alfred de Musset au Festival d’Avignon et Les Trois Sœurs de Tchekhov, deux mises en scènes d’Otomar Krejca, il se tourne vers l’écriture. Partant d’improvisations autobiographiques «regardées» et dirigées par Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart, il crée en juillet 1981, au Festival d’Avignon, La Danse du Diable, une pièce qualifiée d’«histoire comique et fantastique», sur sa mère, son enfance marseillaise et son rêve adolescent de théâtre et d’écriture.

Le Roman d’un acteur, auquel il consacrera les dix années suivantes, est une œuvre autobiographique monumentale qu’il écrit, met en scène et joue, après l’avoir improvisée devant Clémence Massart, Véronique Coquet (avec qui il fonde en 1985 la société de production La Comédie Nouvelle) et Pascal Caubère, son frère. Composée de onze spectacles de trois heures chacun, elle raconte la vie du jeune Ferdinand Faure – alter ego de Caubère – depuis son arrivée au Théâtre du Soleil jusqu’à sa décision d’écrire et jouer lui-même ses spectacles. Caubère revendique les influences de Proust et de Céline, ainsi que celles de la commedia dell’arte, de Molière et de Fellini. L’ampleur de l’œuvre, le monde qu’elle met en scène (les années 1950 à 1970), la multitude de personnages donne parfois le vertige. La virtuosité de l’acteur l’amène, après avoir créé les spectacles au fur et à mesure, de 1981 à 1993, à les jouer au rythme d’un par jour ! L’ampleur est considérable : l’apprentissage du texte, des déplacements, des effets de mise en scène, des voix et attitudes de tous les personnages cumulent près de trente-six heures de spectacle. « Entre Tintin et La Recherche du temps perdu », comme il le définit lui-même, Le Roman d’un acteur oscille entre le comique burlesque et le pathétique. Créé en 1993 au Festival d’Avignon, il sera donné à Paris et pour la dernière fois, en 1994, au Théâtre de l’Athénée. Homme de théâtre complet, Philippe Caubère exerce également ses talents en tant qu’auteur et metteur en scène. En 1999, il publie chez Denoël Les Carnets d’un jeune homme 1976-1981 où il déroule au jour le jour le fil de ses pensées et des diverses tentatives qui l’amèneront à la réalisation de sa grande œuvre. Parallèlement à son activité théâtrale, Caubère interprète Joseph, père de Marcel Pagnol, dans les films d’Yves Robert, La Gloire de mon père et Le Château de ma mère, et plus tard, en 2005, celui de Claude Corti dans Truands de Frédéric Schöenderffer, avec Benoît Magimel, Olivier Marchal et Béatrice Dalle. Les films de ses pièces (Les Enfants du Soleil, Ariane ou L’Âge d’or et Jours de Colère), réalisés par Bernard Dartigues, sortiront sur les écrans et sur Canal +. Les Marches du Palais, qui narre l’aventure malheureuse du Molière d’Ariane Mnouchkine au Festival de Cannes, s’y retrouvera en Sélection Officielle en 1997. En 1996, Caubère compose et met en scène un spectacle en deux parties (Aragon : Le Communiste et Le Fou) autour de l’œuvre du poète. Puis, en 2000, vingt après sa création, il remet sur le métier l’œuvre-matrice, La Danse du Diable, en repartant des improvisations de l’époque pour se lancer dans la création d’un nouveau cycle, L’Homme qui danse, qui comprendra cette fois huit spectacles de trois heures chacun. Les deux premiers volets, Claudine et le théâtre, seront créés au Festival d’Avignon et les quatre suivants, 68 selon Ferdinand (1 & 2) et Ariane & Ferdinand (1& 2), au Théâtre du Rond-Point. Les deux derniers, La Ficelle et La Mort d’Avignon, constitueront L’épilogue à une « autobiographie théâtrale, comique et fantastique ». Parallèlement à l’achèvement de ce cycle, dès 2003, il en commence un autre, Le Sud, par la création aux arènes de Nîmes de l’adaptation du livre d’Alain Montcouquiol Recouvre-le-de-lumière où celui-ci raconte l’aventure merveilleuse et tragique qu’il a vécue avec son petit frère, Christian, plus connu sous le nom de Nimeño II, devenu dans les années 1970/1980, le premier et plus grand torero français. Caubère poursuit l’élaboration de ce cycle neuf ans plus tard, en 2011, par la création d’Urgent crier !, adapté de l’œuvre du poète et acteur avignonnais André Benedetto, sur les planches de son propre Théâtre des Carmes, deux ans après sa mort. L’année suivante, il y crée Marsiho, adapté du portrait que fait de Marseille, en 1929, André Suarès, autre grand écrivain «maudit» et marseillais. En 2006, il crée dans le même théâtre le Memento occitan de Benedetto. Complété par Vues sur l’Europe de Suarès, Le Sud attend encore l’occasion qui lui permettra d’être créé dans son entier.

Pendant toutes ces années, Philippe Caubère poursuit un compagnonnage artistique avec Clémence Massart dont il met en scène et coréalise la création de trois spectacles. En 2009, il joue Marcel Pagnol dans le spectacle Jules & Marcel, inspiré de la correspondance Pagnol/Raimu adaptée par René TréHardy, en compagnie de Michel Galabru et de Jean-Pierre Bernard, qui en est l’initiateur, le metteur-en-espace et le récitant. Créé à Paris au Théâtre Hébertot, puis repris au Marigny, il sera joué en France et à l’étranger jusqu’en 2011, et filmé par Élie Chouraqui au Théâtre de l’Odéon à Marseille. En 2009 encore, à peine son travail autobiographique achevé, il participe au stage que mène Ariane Mnouchkine à la Cartoucherie et au livre de Michel Cardoze, Philippe Caubère joue sa vie, où il fait une sorte de bilan de sa vie et de son travail à la lumière et sous l’angle de son intérêt pour la corrida. Il recrée enfin, dans sa version originale, La Danse du Diable à l’Athénée.

Le 5 juillet 2015, il crée Le Bac 68 (adapté d’un des épisodes de L’Homme qui danse), au Théâtre des Carmes-André Benedetto pour le Festival d’Avignon. A l’automne 2016, les textes de La Danse du Diable et du Bac 68 sont édités à L’Avant-Scène. Début novembre 2017, Adieu Ferdinand ! est créé en avant-première au Théâtre du Chêne Noir d’Avignon, puis à l’Athénée en décembre. En 2016, Philippe Caubère reçoit le Prix Plaisir du Théâtre de la SACD et en 2017 le Molière du Meilleur Comédien dans un spectacle de Théâtre public et le Prix du Théâtre de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre dramatique.

 

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