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« Le Procès » d'après Kafka de Krystian Lupa, un roman théâtral au Printemps des Comédiens

« Le Procès » d’après Kafka de Krystian Lupa, un roman théâtral au Printemps des Comédiens

 

 

Le Printemps des Comédiens est un hommage au théâtre et un questionnement sur la place du théâtre dans la Cité, sa nécessité. Cette édition traite également de la relation du pouvoir et du théâtre qu’on connaît en France depuis au moins Molière et qui n’est pas toujours simple. C’est le cas aujourd’hui en Pologne où les artistes souffrent énormément et dans un élan de fraternité, nous avons invité deux immenses artistes polonais dont Krystian Lupa. Nous accueillons en première française Le Procès de Kafka, que nous avons coproduit.

Jean Varela, Directeur du Festival Printemps des Comédiens

Krystian Lupa (né en 1943) est une figure du théâtre européen. Il se passionne pour la littérature et a mis en scène Tchekhov, Genet, Thomas Bernhard, Dostoïevski, Boulgakov… La pièce Le Procès d’après Franz Kafka (1883-1924) fait écho au vécu de Krystian Lupa. Alors qu’il préparait la mise en scène du célèbre roman, les autorités polonaises ont décidé de la nomination d’un acteur de sitcom proche du pouvoir comme directeur du Théâtre : « La fiction, c’est Kafka et tout le monde la connait : l’arrestation de Joseph K. qui, bien que n’ayant jamais rien fait de contraire à la loi, est arrêté un matin et entre dans l’impitoyable labyrinthe du Procès. La réalité, on la découvre un peu plus chaque jour : comment le pouvoir polonais installe son emprise sur la société, les médias, la vie culturelle… »

Du grand théâtre

Pour l’adaptation de chefs-d’œuvre de la littérature comme Le Procès, Krystian Lupa est concepteur, plasticien-scénographe, et directeur d’acteurs. L’esthétique des images est saisissante. L’écran, très présent, apparait sous différentes formes : en arrière-plan du plateau, par le portable, la photo… Les écrans et rideaux transparents se superposent et prolongent des scènes sous forme de films. Une caméra propose un effet loupe sur les visages. L’onirisme est très marqué et une petite voix chuchote des mots en français. Nous suivons Joseph K. ou Franz K., en interaction avec des personnages. Il est pris dans la tourmente d’une machine infernale, il va subir un procès mais il ne sait pas ce qui lui est reproché. Dans l’appartement où il loue une chambre, la pauvreté tapisse des murs gris, moisis. Il interpelle aussi le public en franchissant la ligne rouge qui délimite le plateau : « Voilà, c’est fait ! – le public rit. Ce qui m’arrive n’est pas un cas isolé et n’a pas grande importance au fond. Je ne le prends pas au sérieux. » Pourtant, la tension est persistante, et l’issue fatale. Les femmes sont séductrices, des couples naissent brièvement, rien n’est très clair. Felice Bauer, la fiancée de Kafka est là, le plateau s’est emballé et avec hystérie, elle ouvre une valise d’où elle sort des robes. Par une succession de tableaux, de la salle d’instruction à la nef d’une cathédrale, la pièce reprend des parties du roman étonnamment restitué. Ce grand théâtre signé Lupa puise dans l’œuvre d’un écrivain de génie qui a inspiré nombre d’artistes.

D’après Kafka

Le Procès dénonce le mensonge, l’arbitraire, la bureaucratie policière. Joseph K. est prisonnier d’une situation inextricable et son sort le soumet à une série de contradictions : « Parle ! Et n’oublie pas que tout ce que tu dis peut se retourner contre toi. (…) Si la personne ne se défend pas, c’est qu’elle est coupable. » Avec décalage, l’humour est pourtant présent par moments. Kafka avait d’ailleurs de l’humour et il riait en lisant à des amis des passages du Procès ! Tellement fou ce texte, devait-il se dire, ça pourrait arriver ? Le livre a été publié à titre posthume, contre la volonté de l’écrivain, en 1925, dix ans après La Métamorphose. Il a connu un immense succès au milieu du XXe siècle, en raison du contexte historique. Car il a été perçu comme une dénonciation des dictatures. On retrouve dans la pièce de Lupa, les principales hypothèses émises par Joseph K. – qui devient parfois Kafka – et du narrateur. Il s’interroge continuellement sur les nombreux personnages qu’il côtoie, de l’abbé à l’avocat. Le personnage de la tante a beaucoup d’allure. Dès son entrée, elle se regarde dans un miroir de sac d’où lui saute au visage une insulte antisémite. Face à des situations absurdes, Joseph K. essaie de saisir ce qui lui échappe. Il se questionne sur la Loi, la justice, et bien sûr le procès. Sur le plateau du Théâtre du Domaine d’O, les écrans contribuent à souligner ce cheminement pour une recherche vaine de la « vérité ». Car tout est faux-semblant et apparence trompeuse dans ce théâtre d’après Kafka.

La mise en scène du Procès est réussie avec différents rythmes et ambiances. Les comédiens ont été longuement applaudis, Krystian Lupa était présent pour les deux représentations données au Théâtre Jean-Claude Carrière, il les a rejoints sur scène. Cet homme est un défenseur de la culture, et la dimension de l’art – le personnage du peintre – était bien présente. Programmer Le Procès, une pièce représentative du grand théâtre, en polonais et pour une durée de cinq heures, en ouverture du Festival Printemps des Comédiens est un choix courageux de la part de Jean Varela. Le roman de Kafka eut un énorme retentissement après la Seconde Guerre mondiale, en raison de son aspect visionnaire. Le sujet est toujours d’actualité, il exprime les abus de pouvoir, l’homme broyé, l’injustice. Étrangement, le thème peut peut-être évoquer de nouvelles emprises, celles des « tribunaux » portés par les réseaux sociaux, voilà qui aurait certainement inspiré Kafka…

Fatma Alilate

Le Procès

Théâtre Jean-Claude Carrière – Domaine d’O, à Montpellier

D’après Franz Kafka

Traduction Jakub Ekier

Mise en scène, adaptation, décors, lumières : Krystian Lupa

Costumes : Piotr Skiba – Musique : Bogumil Misala – Vidéo, coopération à la réalisation des éclairages : Bartosz Nalazek – Animations : Kamil Polak – Maquillage et coiffure : Monika Kaleta

Avec : Franz K. : Marcin Pempus et Andrzej Klak ; Madame Grubach : Bozena Baranowska ; Madame Bürstner : Anna Ilczuk ; Juge d’instruction : Michal Opalinski ; Greffier audiencier : Wojciech Ziemianski ; Rose, femme du greffier audiencier : Ewa Skibinska ; Etudiant en droit, Gardien 2 : Maciej Charyton / Bartosz Bielenia ; Max Brod, Chef du greffe du tribunal : Adam Szczyszczaj ; Greta Bloch, La Jeune fille du greffe : Malgorzata Gorol ; Felice Bauer : Marta Zieba ; Tante Albertine : Halina Rasiakowna ; Avocat : Piotr Skiba ; Lenka : Ewelina Zak Blockbaum ; L’Homme du greffe : Dariusz Maj ; Peintre, Gardien 1 : Mikolaj Jodlinski ; Aumônier, Inspecteur : Andrzej Szeremeta ; Assistant du juge 1 : Radoslaw Stepien / Lukasz Jozkow ; Assistant du juge 2 : Konrad Hetel

Polonais surtitré

Samedi 2 juin, durée : 5 heures dont entracte

www.printempsdescomediens.com

Information, réservation billetterie : + 33 (0)4 67 63 66 66

 

 

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Fatma Alilate

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