Opéra Comédie : une Médée migrante et réhabilitée par Marie-Eve Signeyrole
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Opéra Comédie : une Médée migrante et réhabilitée par Marie-Eve Signeyrole

Marie-Eve Signeyrole est une des metteuses en scène les plus demandées et inventives. On se souvient de Soupe POP en 2016, une pièce immersive et participative inspirée de son expérience en bénévolat où le public s’installait sur scène, « à table » et en musique. Plus récemment, Baby Doll (2022) sur la 7ème symphonie de Beethoven traitait du sujet des femmes migrantes. Dans cette continuité, Marie-Eve Signeyrole et le dramaturge Louis Geisler s’intéressent pour Médée de Luigi Cherubini, aux dimensions de l’étranger et du monstre.

Une exilée trahie

Médée de Cherubini (1760-1842) mélange chant et récitatifs parlés en alexandrins. A la baguette Jean-Marie Zeitouni dirige le Chœur et l’Orchestre de Montpellier. Il révèle l’intensité dramatique de cette œuvre lyrique, les tons sombres pour la noirceur du sujet, et les silences dramatiques. Cherubini a préfiguré le langage orchestral du romantisme par une intense expressivité. « L’orchestre de Médée est conçu pour amplifier le tragique de l’action et traduire les tourments intérieurs des personnages, en particulier de Médée elle-même », rappelle le chef d’orchestre. Le Chœur est témoin des moments clés, il représente les émotions du peuple par les couleurs et affects.

Le personnage de Médée est extrêmement exigeant au niveau vocal et dans le rôle dramatique, il est interprété par la soprano Joyce El-Khoury. Elle explore par une forte présence scénique une large palette d’émotions.

Pour cette nouvelle production, Marie-Eve Signeyrole a choisi d’introduire un préambule sous la forme d’une lettre. Médée est une exilée trahie, elle a quitté son pays, les siens et se retrouve répudiée dans un pays qui n’est pas le sien. Pour que Jason (le ténor Julien Behr) obtienne la Toison d’Or, Médée a trahi son père, sa patrie, assassiné de façon atroce son frère.

Mais Jason va épouser Dircé (la soprano Lila Dufy), la fille du roi Créon (le basse Edwin Crossley-Mercer), en Corinthe, dans l’actuelle Grèce. Dircé sert de monnaie d’échange contre la Toison d’Or et Jason préfère à Médée la puissance et l’argent. Sa vengeance sera terrible.

Opéra documentaire

Parée d’un manteau doré, d’une parure en or, à l’Acte I, elle perd ses richesses pour devenir une femme semblable à son pendant sur scène : une autre femme incarcérée pour crime d’enfants. La comédienne Caroline Frossard est cette prisonnière, elle revoit des souvenirs communs aux deux mères : petits-déjeuners, jeux de balançoire…

Sur scène, trois murs noirs avec une meurtrière s’ouvrent sur un cyclorama. La caméra en direct est au plus près des expressions des enfants. Ils sont ceux de Médée et de la femme incarcérée. L’espace imaginaire avec des images-souvenirs est aussi le Palais du roi Créon, l’église-temple où devait se dérouler le mariage de Dircé et Jason, la chambre dans laquelle Médée retrouve ses enfants, et la prison de cette Médée contemporaine.

L’atmosphère est sublimée par les lumières de Philippe Berthomé. Ce créateur de l’éclairage comme il se définit avait proposé une exposition in situ à l’Opéra Comédie avec ses ampoules soufflées à Murano, habillant les lieux et couvrant d’ampoules à filaments les Trois Grâces.

Marie-Eve Signeyrole inscrit son travail dans l’opéra documentaire pour révéler un environnement social difficile. Elle ne veut pas juger, et permettre de comprendre ces femmes souvent acculées qui prolongent leur désir de mourir par l’assassinat de leurs enfants. Le postulat est que c’est la société qui crée le monstre. Ces femmes infanticides perpétuent la violence subie (cas d’inceste, violence conjugale). Avec le dramaturge Louis Geisler, elle s’appuie sur le documentaire Mères à perpétuité de Sofia Fischer, récemment programmé sur Arte.

Le mythe a aussi été écrit et réécrit par des hommes. Marie-Eve Signeyrole souhaite développer d’autres interprétations, sociales et féministes.

Fatma Alilate

Médée de Luigi Cherubini (1760-1842)

Opéra Comédie, Montpellier

Opéra-comique en trois actes sur un livret en français de François-Benoît Hoffmann et créé le 13 mars 1797 au théâtre Feydeau de Paris.

Samedi 8 mars, mardi 11 mars et jeudi 13 mars 2025

Une heure avant les spectacles, l’Opéra Orchestre et les étudiants du Master «Valorisation et Médiation des Patrimoines» de l’Université Paul-Valéry proposent une visite patrimoniale de l’Opéra Comédie. Gratuit sur inscription dans la limite des places disponibles, réservée aux personnes en possession d’un billet pour la représentation.

Médée (2025) © Stefan Brion | Nouvelle production Théâtre national de l’Opéra-Comique. Coproduction Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie, Insula orchestra.

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