Toutmontpellier.fr est allé à la rencontre de l’exposition « Une lettre arrive toujours à destinations » présentée à la Panacée depuis le 18 juillet jusqu’au 21 septembre. Nous avons également eu l’opportunité d’interviewer des médiateurs de la Panacée ainsi que des visiteurs. La visite proposée dans cet article ne se veut pas exhaustive mais plutôt être un éclairage sur certaines œuvres.
Découvrez la Panacée
Jusqu’à la Révolution, ce fut le Collège royal de médecine avant qu’il ne soit installé face au Jardin des Plantes. L’Ecole de pharmacie lui succéda jusqu’en 1963, puis ce fut l’Agence nationale de médicament avant que la Panacée ne soit ouverte en 2013. Ce n’est pas un musée, mais un centre destiné à encourager la création contemporaine. Il est dédié aux arts visuels, aux nouvelles formes d’écriture et aux arts numériques.
Une lettre arrive toujours à destinations
L’exposition « Une lettre arrive toujours à destinations » s’inscrit dans un cycle annuel intitulé « Vous avez un message ». La première exposition avait pour thème l’invention du téléphone et les effets sur la communication. La seconde s’articulait autour de notre environnement electro-magnétique alors que celle-ci se concentre sur la lettre. Destinations au pluriel montre qu’une œuvre n’atteint jamais qu’une seule destination selon les interprétations qui en sont faites.
L’exposition présente des œuvres majeures de l’art des années 60 et 70 et appelle la démarche participative du visiteur.
La visite
La première œuvre présentée est celle de Joachim Koester. Koester est un artiste qui s’exprime par le biais de la photo ou de la vidéo, racontant des histoires réelles ou fictives. Dans cette pièce, il nous raconte l’histoire d’un voyage en montgolfière à travers une vidéo.
Koester reprend l’histoire d’un explorateur qui en 1887 décide d’atteindre le Pôle nord avec peu de matériel. L’histoire prend un tournant tragique lorsque l’équipage s’écrase et que l’on a plus de nouvelles du projet pendant 90 ans. Des négatifs non exploitables sont finalement retrouvés sur les lieux et Koester décide d’en faire un film.
L’imprimante qui produit de la poésie d ‘Alison Knowles
Des quatrains sont générés de manière aléatoire. Chaque poème commence par la phrase « House of wood » (une maison en bois) et se termine par « inhabited by little boys » (habités par des petits garçons) Cette imprimante est un objet qui génère du hasard, au bout de 600 poèmes, on retrouve les mêmes éléments qui sont repris.
« Congratulations » de Kinmont
Ben Kinmont est un artiste libraire qui collectionne les livres anciens dont ceux concernant l’art de la table. Sa participation à l’exposition est celle d’un envoi de bouquet de fleurs chaque vendredi accompagné d’une carte où est inscrit « Félicitations ». A partir de là, une documentation comprenant les archives du bouquet est constituée.
Les « 100 boots » d’Eleanor Antin
Antin fait partie du mouvement du Mail Art, elle critique le système muséal qui entre dans la société de consommation américaine.
En 1971 a lieu la guerre du Vietnam. On retrouve cinquante paires de bottes dans ses photos. Elle traverse les Etats-Unis d’Est en ouest et envoie ses photos à travers le monde. Derrière il y a l’idée de la dissémination de l’oeuvre d’art. En observant les images, on remarque que les bottes sont disposées avec dynamisme, comme si des soldats s’y trouvaient réellement. Le spectateur est chargé de les interpréter à sa manière.
Le boiterion de George Brecht « Events »
Des cartes disposées sur la table sont des instructions, le commissaire d’exposition a choisi de les laisser à disposition du public afin qu’ils puissent leur obéir et activer l’oeuvre.
Mieko Shiomi et le « Flux Atlas »
Shiomi est une artiste fluxus, mouvement des années 50 qui relie l’art à la vie. Elle crée neuf poèmes spatiaux. Pour le poème n°2, elle demande à des artistes amis d’indiquer où ils se trouvaient et dans quelle direction ils allaient avant d’inscrire les réponses sur la carte. Le commissaire de l’exposition a choisi de réactiver le même processus le vendredi 18 juillet en demandant à ses contacts de lui dire par mail où ils se trouvaient et où ils allaient. Les réponses vont être inscrites sur un planisphère immense au fond de la pièce.
Les bonbons de Felix Gonzalez Torres
L’oeuvre est également destinée à être activée par les visiteurs, qui se l’approprient en prenant un bonbon ou même en l’offrant. Cela rejoint le principe de la dissémination de l’oeuvre d’art. L’artiste travaille autour de son histoire personnelle. L’oeuvre est à la fois minimale et conceptuelle. Un ami de l’artiste, Rony, avait crée dans une de ses œuvres un champ d’or, ici l’artiste lui répond. Il présente un portrait de son ami sous la forme de bonbons.
Beyrouth par Khalil Joreige et Joanna Hadjithomas
Ces deux plasticiens ont réalisé un travail autour de la ville de Beyrouth à travers plusieurs photographies. Entre-temps la guerre du Liban éclate. Les artistes reprennent alors les photos et représentent l’impact sur la ville. C’est un travail sur le temps, la destruction et l’image.
Les miroirs de Yann Sérandour
L’artiste tombe sur un catalogue de Sotheby’s où sont présentés une série de miroirs. Les miroirs n’ont aucun reflet, ce qui perturbe le spectateur. Sérandour les reproduit à la vraie échelle du miroir et les impriment sur une plaque d’aluminium.
Le projet de Mario Garcia Torres
Réunir des étudiants et avoir l’idée d’un projet artistique qui ne devait pas être dévoilé. Le concept est celui d’une pièce secrète mais si on en parlait, l’oeuvre disparaissait. Elle s’intéresse à la mémoire comme lieu de conservation de l’oeuvre d’art.
A la suite de la visite, des médiateurs de la Panacée ont accepté de répondre à quelques questions.
Quel a été votre parcours avant de devenir médiateur culturel? Qu’est-ce qui vous a motivé à exercer ce métier ?
J’ai travaillé avec des scolaires dans les écoles. J’ai toujours été attirée par le domaine culturel, tout autant l’art visuel que la lecture.
A votre avis quelles sont les contraintes du métier ?
Ce n’est pas tant une contrainte qu’une particularité du métier : les horaires atypiques que l’on doit faire (par exemple travailler le week-end). Il faut être souple et disponible.
Quel a été votre ressenti en découvrant l’exposition ?
A chaque exposition c’est une découverte car on ne connait pas tous les artistes. Il faut faire des recherches documentaires, beaucoup de recherches, et entrer dans la logique de l’exposition.
Avez-vous un secret de l’expo ou une anecdote à nous raconter ?
Dans l’exposition, un endroit comporte une boite aux lettres dans le mur appelée « La poste restante ». On peut y laisser un message qui n’est pas lu et, avec le temps, peut s’oublier.
Les murs de la Panacée sont des murs anciens, lieux de mémoire, et y laisser un message fait partie de l’histoire de ce lieu. Le message sera peut être redécouvert et lu dans un siècle.
L’anecdote est qu’à l’ouverture de l’exposition, plusieurs personnes avaient écrit des lettres et les avaient déposés en pensant qu’elles allaient être envoyées au destinataire alors qu’il nous est impossible de les récupérer. Finalement, dans cette poste restante on ne sait pas à qui notre message sera adressé.
Quelle a été la question la plus originale qui vous a été posée par les visiteurs ?
Ce n’est pas tant une question originale, mais une question que j’ai trouvé très pertinente. Un visiteur a soulevé la question du besoin des arts numériques de s’inscrire dans cette exposition. En effet, les arts numériques vivent par eux-même, d’autant plus si l’on pense au Printemps Arabe de 2011 qui a été relayé sur les réseaux sociaux.
Nous avons également interrogé un couple de visiteurs, Nicolas et Corinne, sur leur ressenti de l’exposition.
Qu’avez-vous pensé de cette exposition ?
Sans les médiateurs qui permettent de faire le lien, l’exposition n’est pas facile d’accès. Grâce à eux et à la gratuité du lieu, on s’ouvre à la visite et on y trouve un intérêt. On y apprend sur beaucoup, par exemple le mouvement Fluxus.
Quelle œuvre vous a le plus marqué ?
Celle de Mario Garcia Torres car elle enlève la notion de résultat, le fait de rendre visible, on produit quelque chose à partir de rien. Egalement les photos de Beyrouth de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige car leur message est fort.
Comment avez-vous connu la Panacée ?
Nous venons de Lausanne mais nous avons de la famille qui habite Montpellier. On avait vu que la Panacée avait ouvert et nous attendions l’occasion d’y aller.
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